Égalité – Équité en éducation et formation

Égalité et équité : parmi les deux, le mot qui est le plus connu et utilisé est celui de l’égalité. Ce terme qui fut introduit par la Révolution française a mis du temps à se généraliser, comme par exemple le vote des femmes qui est venu plus tard. L’égalité se définit par trois aspects : celui des conditions (revenus, logement etc.) celui des chances (chacun doit avoir la même opportunité de réussir indépendant de son origine sociale), et celui des droits (tout le monde a les mêmes droits).

Néanmoins, la réalité que nous vivons aujourd’hui encore plus que dans le passé nous montre que tel n’est pas le cas (égalité femme-homme, logement, etc.). La raison pour cette situation d’inégalité réside dans la situation d’origine. En effet, les individus ne vivent pas une même situation socio-économique, socioculturelle, etc.

C’est à cet instant que l’équité peut être complémentaire à l’égalité. En aucun cas l’équité est le contraire ou l’alternative de l’égalité. En effet, quand l’égalité est ressentie comme quelque chose de pas toujours « juste » à cause de la situation d’inégalité décrite ci-avant, l’équité peut résoudre cette sensation d’inégalité car elle comprend une certaine part d’injustice acceptable. Autrement dit les personnes qui pour une raison ou une autre sont défavorisées socialement ou économiquement devraient pouvoir bénéficier de certains droits qui leur permettraient de profiter des lois et règles mises en place dans une logique d’égalité.

L’équité, qui représente un état d’esprit qui relève du sens commun, permettra de corriger les inégalités et faire évoluer le concept d’égalité. Ainsi, comme le montre le dessin ci-dessous, l’équité est une posture consistant à accorder à chacun ce qui lui est dû.[1]

Source : http://ekladata.com/wy8X5Vne6b3NVAP2aPmFxuH4UC4.jpg

Comment s’articule la réflexion précédente dans le monde de l’éducation et de la formation ? En partant d’une situation d’apprenants issus des milieux défavorisés, d’une variété de contextes socioéconomiques, culturels, linguistiques, de genre etc., cette situation engendre un environnement injuste et inégal.

L’égalité des chances en éducation et formation a pris, aujourd’hui plus que dans le passé, une tournure plus idéale que véridique. En effet, l’égalité en éducation et formation devrait permettre à tout apprenant d’avoir une chance d’acquérir les compétences pour arriver à une certification.

Autrement dit, l’égalité devrait rendre possible « … qu’à sa sortie du système scolaire, [l’apprenant] … ait développé son potentiel et ait acquis un minimum commun de compétences et de connaissances pour lui permettre de prendre sa place dans la société moderne […] ; que tous les groupes sociaux soient équitablement représentés parmi les diplômés à tous les ordres d’enseignement ».[2]

Pour réaliser ce parcours, il faut que cette personne vive une expérience éducative qui tienne compte de son potentiel d’apprentissage. Or, nous sommes simultanément en face d’une multitude de capacités des individus et d’un concept d’égalité normative du système d’éducation et de formation.  Ces normes concernent des facteurs comme l’accès à la formation, les possibilités de parcours, les conditions de réussite, etc.

On peut décrire le système d’éducation et de formation par analogie à un petit enfant qui apprend à marcher. Cet enfant a besoin d’un certain nombre d’essais avant qu’il ne marche. Dans le système scolaire ceci n’est souvent pas le cas. Même si parfois on a la possibilité d’avoir droit à plusieurs tentatives, ces essais sont assortis de commentaires comme : cela pourrait être mieux, tu t’es trompé, c’est faux, etc.

Et si après cette expérience truffée de retours négatifs on rate le « deuxième » essai, les critiques qui fusent se caractérisent par une connotation encore plus négative comme : tu n’as pas révisé, tu ne suis pas ce qu’on t’explique, tu n’es pas capable de faire les choses correctement. Tout ceci est le contraire d’un environnement favorable aux apprentissages. Un doute s’installe auprès de l’apprenant concernant sa capacité d’apprendre et la confiance en soi-même prend un sérieux coup.

Les conséquences sur l’individu qui veut apprendre dépendent de sa provenance socio-économique. Il faut d’ailleurs noter que l’origine de l’apprenant conditionne les réactions par rapport aux apprentissages. On le voit le plus souvent dans la notation des élèves peu importe s’il s’agit de l’évaluation par points ou l’évaluation des compétences. On parle de « biais sociaux de notation ». Duru-Bellat et Mingat[3] mentionnent en guise d’exemple les 3 biais suivants :

  • les filles obtiennent, en moyenne, des notes supérieures à celles des garçons ;
  • les élèves redoublants sont notés plus sévèrement que les élèves « à l’heure ». Il en est de même des élèves « en retard » qui ne sont pas redoublants ;
  • les enfants de cadres supérieurs sont mieux notés en classe que les enfants des autres milieux.

Dans un tel environnement partial, soit les apprenants développent diverses stratégies qu’on peut caractériser comme décrochage de l’intérieur ou désengagé tout en restant présent physiquement, soit ils vivent un déclassement ou un retard.

Les réflexions ci-dessus ne couvrent qu’un aspect parmi d’autres, quant aux éléments qui s’éloignent des principes de l’égalité.

On peut reprendre cette analyse concernant d’autres éléments de l’égalité comme l’accès au parcours d’éducation et de formation, le redoublement ou encore l’échec. On constatera qu’ici on se voit face aux mêmes déviations de l’égalité.

La question qu’on doit se poser au vu de cette situation est la suivante : pouvons-nous toujours nous permettre de perdre un nombre significatif de jeunes et d’adultes parce que nous sommes incapables de changer le système actuel en un modèle équitable et juste ? Que pouvons-nous faire pour y arriver ?

Il faut repenser le système d’éducation et de formation vers un système qui tienne compte des potentiels de chacun. Pour y arriver, il faudrait délaisser ce système, le réinitialiser et réfléchir à la mise en place d’un système équitable ou comme le dit Einstein : « Nous ne pouvons pas résoudre nos problèmes avec la même pensée que nous avions quand nous les avons créés ».

Ceci ne sera possible que si on réussit à convaincre les passéistes et les bricoleurs actuels de l’éducation et de la formation à participer à cette réforme culturelle de l’éducation et de la formation. Il faut en effet passer d’une conception matérialiste de l’éducation et de la formation qui « affirme le primat de la matière sur l’esprit »[4], c’est-à-dire qui ne différencie pas les apprenants, à un enseignement humaniste qui conçoit les apprenants en tant que récipiendaires.

Il s’agira de ne plus transmettre les matières, mais d’établir le lien entre la matière et l’apprenant, de lui faire découvrir quelque chose. Si on arrive à adopter cette idée comme point de départ on pourra développer un environnement d’apprentissage équitable.


1. https://academie.atilf.fr/9/consulter/equit%C3%A9?page=1

2. Conseil supérieur de l’éducation (2016). Remettre le cap sur l’équité, Rapport sur l’état et les besoins de l’éducation 2014-2016, Québec, Le Conseil, 100 p.

3. Duru-Bellat M. et Mingat A. (1993) Pour une approche analytique du fonctionnement du système éducatif, Presses universitaires de France.

4. https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/mat%C3%A9rialisme/49837#181458